Cameroun: «Nous avons tous intérêt à faire en sorte que notre pays connaisse la paix et la stabilité»
« Plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de personnes arrêtées ». C'est le premier bilan de la crise post-électorale au Cameroun, que révèle ce matin, sur RFI, le ministre camerounais de la Communication, René-Emmanuel Sadi. Depuis l'annonce officielle de la réélection de Paul Biya, l'opposant Issa Tchiroma dénonce « une mascarade » et appelle la population à résister. Y a-t-il un mandat d'arrêt contre Issa Tchiroma ? L'heure est-elle à la fermeté ou à l'apaisement ? En ligne de Yaoundé, le ministre René-Emmanuel Sadi, qui est aussi porte-parole du gouvernement, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pour beaucoup d'observateurs, et notamment pour l'archevêque de Douala, Monseigneur Kleda, les résultats officiels ne sont pas crédibles parce qu'il s'est passé quinze longues journées entre le jour du vote et le jour de la proclamation des résultats, et parce qu'en quinze jours, toutes les manipulations sont possibles… René-Emmanuel Sadi : Évidemment, l'opinion de Monseigneur Kleda lui est propre, mais je pense qu'il n'ignore pas que nous avons un code électoral qui a une procédure tout à fait connue, et l'élection présidentielle a connu toutes les étapes au niveau de son dépouillement. Et s'agissant du délai de quinze jours, il est non seulement conforme à la loi électorale, mais il tient compte aussi de nos réalités du moment. Il faut encore plusieurs heures, voire plusieurs jours, pour disposer de tous les procès-verbaux. Ceux-ci devant être acheminés à partir des localités parfois très éloignées des centres urbains. Oui, mais pendant les quinze jours, on ne sait rien au niveau des instances officielles, on n'a aucun chiffre, aucun rapport d'étape, rien du tout. Vous savez que justement, le problème, c'est que ce sont ces tendances, que l'on proclame parfois à travers les réseaux sociaux, qui créent des polémiques inutiles. Et ceci est de nature à porter atteinte à l'ordre public. Mais si les instances officielles et si Elecam publiaient des rapports d'étape, faisaient le point bureau de vote par bureau de vote, département par département, région par région, est-ce qu'il n'y aurait pas plus de transparence et moins de suspicion ? C'est une hypothèse que vous avancez. Pour l'instant, l’instance chargée de ces élections, qui est Elecam en premier, je crois, essaie de faire du mieux possible. Maintenant, si cette hypothèse que vous avancez est favorablement appréciée avec le temps, il est possible que, au cours des échéances prochaines, on procède de cette manière pour, comme vous le dites, plus de transparence de cette façon. La semaine dernière, votre collègue le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a fustigé « l'irresponsabilité d’Issa Tchiroma » et a déclaré que celui-ci devrait répondre devant les juridictions compétentes. Est-ce qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre le candidat de l’opposition ? Je crois qu'à ma connaissance, Monsieur Tchiroma n'aurait pas encore fait de façon officielle l'objet d'un mandat d'arrêt. Ce sont un certain nombre de choses qui relèvent de nos juridictions. Il est vrai que les appels à l'insurrection, les appels aux atteintes à l'ordre public, les incitations à la révolte, face à une situation comme celle-ci, sont passibles de sanctions par la loi. Et il n'est pas à exclure que Monsieur Tchiroma fasse l'objet d'une interpellation. Il n'est pas à l'exclure. Et pour vous, l'heure est plutôt à la fermeté ou à l'apaisement avec Issa Tchiroma ? Ecoutez, tout est possible. Nous pensons que nous avons tous intérêt à faire en sorte que notre pays connaisse la paix et la stabilité. Et donc le porte-parole que je suis ne prêche que l'apaisement. La semaine dernière, la proclamation des résultats officiels a été suivie de manifestations et d'affrontements avec les forces de l'ordre. Et aujourd'hui, deux sources de l'ONU citées par l'agence Reuters donnent le chiffre de 48 morts. Est-ce que vous confirmez ? Il y a eu certes des pertes en vies humaines et cela ne peut que nous attrister. Les forces chargées du maintien de l'ordre ne pouvaient rester inactives face au déchaînement des manifestants, en dépit de l'extrême retenue dont ces forces ont su faire preuve. Et les chiffres qui sont avancés par ces instances, comme l'ONU, ne sont pas vérifiés, ne sont pas recoupés. Toujours selon ces deux sources de l'ONU citées par Reuters, près de la moitié de ces 48 morts seraient survenues à Douala, et parmi ces morts, il y aurait trois gendarmes. Oui. Parmi les personnes qui ont perdu leur vie, comme vous le savez, il y a eu des jeunes Camerounais. Mais il y a également des membres des forces de défense et de sécurité. Combien de victimes d'après vos informations ? Combien de morts ? On a parlé de plusieurs dizaines. Comme les enquêtes sont en cours, nous saurons dans les prochains jours le bilan de tous ces morts. Donc, vous nous dites plusieurs dizaines de morts ? Plusieurs dizaines de morts, selon les indications qui ont été données par le gouverneur de la région du Littoral, il y a quelque temps. Il y a les morts et puis il y a les prisonniers. D'après le collectif des avocats camerounais qui s'en occupe, il y aurait actuellement 2 000 personnes qui auraient été mises en prison à la suite de la proclamation des résultats officiels. Est-ce que vous confirmez ce chiffre ? Nous sommes effectivement à plusieurs centaines de personnes arrêtées. Vous ne dites pas 2 000, mais plusieurs centaines, c'est ça ? En tout cas, plusieurs centaines. Plusieurs centaines.