À la Une: Sergueï Lavrov à Bamako
« Un an après la visite du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, à Moscou, son homologue russe Sergueï Lavrov est attendu à Bamako ce lundi pour une visite de 48 h, note Mali Tribune. Le chef de la diplomatie russe a entamé depuis quelques semaines une tournée africaine qui l’a conduit en Afrique du Sud, et ensuite en Angola et en Érythrée. Il doit ensuite se rendre au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie. Depuis le retrait de la France du Mali, la Russie est devenue un partenaire clé de Bamako dans la lutte contre le terrorisme, relève encore Mali Tribune. La Russie, qui depuis l’invasion de l’Ukraine, a intensifié son offensive diplomatique en mode turbo contre l’Occident sur les territoires africains. »
Encore un onusien expulsé
Cette visite du chef de la diplomatie à Bamako intervient au moment où le pouvoir militaire expulse le directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma, la Mission des Nations unies sur place. Le congolais Guillaume Nguefa a été sommé de quitter le territoire national dans les 72 heures. « Cette décision, précise Le Monde Afrique, intervient après un discours qui avait été prononcé par une défenseure des droits humains malienne il y a dix jours à l’ONU, dénonçant la situation sécuritaire du pays et l’implication, selon elle, des nouveaux alliés russes de l’armée nationale dans de graves violations. Un discours violemment critiqué par la junte. »
D’un maître à l’autre ?
« Entre le Mali et la Russie, c’est du "coller-serrer", commente WakatSéra au Burkina. Et aucun un geste n’est visiblement de trop pour faire plaisir au nouvel amant russe. De ces cadeaux font partie, les suspensions de médias internationaux dont RFI et France 24, les expulsions de l’ambassadeur de France et du représentant de la Cédéao et de fonctionnaires de l’ONU, dont la dernière en date est celle du chef de la direction des droits de l’homme de la Minusma. […] La souveraineté étant le dernier vocable cher aux dirigeants de la transition qui le mange à toutes les sauces, tout en chassant d’anciens partenaires pour enlacer un nouveau maître, il faut, s’exclame encore WakatSéra, nettoyer à tour de bras le Mali de tout regard qui va dans le sens du respect des droits de l’homme et qui empêcherait le régime de transition de garder encore ce pouvoir conquis par les armes. Ainsi va le Mali dont les populations et l’armée continuent de subir les attaques armées de terroristes de tous bords, pendant que les gouvernants s’accrochent au fauteuil du palais de Koulouba. »
« En prenant racine au Mali, la Russie s’installe au cœur même d’un "pré carré" français, estime pour sa part Ledjely en Guinée. Au-delà du Mali, ce sont le Sénégal, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger, la Guinée, et même le Togo et le Bénin qui sont désormais à portée de la diplomatie russe. On comprend dès lors ce qui motive Sergueï Lavrov à effectuer ce déplacement sur le terrain aride du Sahel. À l’inverse, remarque encore Ledjely, on ne comprend pas toujours ce que le Mali lui-même en tire comme avantage. Parce qu’en réalité, même l’apport sécuritaire de la Russie demeure, au vu de la situation qui prévaut sur le terrain, quelque peu surfait. »
La France encore et toujours conspuée
Dans la presse malienne, on note avec satisfaction l’arrivée de Sergueï Lavrov et les attaques contre la politique française en Afrique se poursuivent.
« Aujourd’hui, l’Afrique exhorte la France à abandonner sa posture néocoloniale, paternaliste et condescendante, lance ainsi Maliweb. La France, qui n’a rien à proposer à part son pouvoir de nuisance militaire, après le fiasco de ses organes de propagandes qui sont maintenant censurés. »
Même son de cloche anti-français pour le quotidien L’Aube : « Au Mali comme au Burkina et au Niger, l’armée française, affirme le journal, ligote les armées nationales en protégeant ses terroristes et en bloquant l’acquisition d’armes qui pourraient renverser le rapport de forces. »
Les populations locales grandes perdantes
Enfin, pour l’écrivain américain Stephen Smith, spécialiste de l’Afrique, interrogé par Le Point Afrique, la Russie se pose en recours avec une « recette simplissime : assurance survie pour des régimes sans capacité institutionnelle contre butin et votes dans les instances internationales en faveur de la Russie mise au ban par l’Occident. Le grand perdant dans cet arrangement n’est pas la France, estime Stephen Smith, - que pourrait-il lui arriver de mieux que de sortir du Sahel, après dix ans d’une guerre des sables qui a seulement aggravé le problème ? - mais les populations civiles locales. Elles se font massacrer par des insurgés islamistes, des milices d’autodéfense et des Russes. Et pendant ce temps, au Mali comme au Burkina Faso, l’armée nationale se limite à exercer son emprise sur la capitale. »