Immobilier: l’inquiétude des propriétaires face au nouveau DPE
Précieux sésame pour vendre ou louer un bien immobilier, le DPE (diagnostic de performance énergétique) permet d'évaluer la dépense énergétique d'un logement. Avec le réchauffement climatique, la rénovation énergétique est devenue un enjeu national. Les logements notés E, F et G, les notes les plus basses, voient leurs loyers bloqués et certains d’entre eux deviennent impropres à la location. Une nouvelle réglementation qui rebat les cartes du marché de l'immobilier.
« 35 m2, deux pièces et beaucoup de fenêtres, mais mal isolées. Je peux ouvrir [la fenêtre] sans problème, par contre quand je la referme, ça ne se coince plus dans la jointure. S'il y a un coup de vent, elle s'ouvre à la volée », nous montre Marie.
Elle vit dans un immeuble ancien près de la Bastille. Son appartement ne répond pas aux nouveaux critères et son propriétaire doit effectuer les travaux demandés. Il lui a envoyé un spécialiste.
« Il m'a effectivement dit qu'il pourrait faire en sorte que les fenêtres ferment et ensuite adresser un devis au propriétaire. Il m'a bien précisé que de toutes façons vu l'état, il était dans l'obligation d'intervenir », ajoute Marie. « Finalement, on est en position de force par rapport au propriétaire qui sait que là pour l'instant ce n'est plus légal et donc je peux effectivement avoir des moyens de pression », souligne la locataire.
Un effort financier à fournir de la part des propriétaires
En France, 80% des propriétaires bailleurs possèdent deux logements, ce sont souvent des retraités qui les ont acquis en vue d'un supplément de revenus. Ce nouveau DPE met en difficulté les plus modestes qui, dans l'impossibilité de financer les travaux, vendent leurs biens, avec en moyenne une décote de 10%. D'autres font le choix de le retirer du marché et d'attendre.
Restent ceux qui, malgré la dépense imprévue, font l'effort financier. Jean-Pierre vit en province, il détient un studio en région parisienne et un deux pièces à Lille. Ce dernier, sous les toits, ne répond plus aux nouveaux DPE. « Je pense que c'est nécessaire à la fois pour le locataire et en même temps, on est quand même dans un système où on veut essayer de faire des économies et ça passe par un effort de chacun. Je pense que le bien sera aussi rentabilisé après avec cet investissement », estime le propriétaire.
Vers une pénurie de logement ?
L'accélération de la rénovation des logements pour atteindre la neutralité carbone en 2050 risque d'aggraver la pénurie de logements locatifs dans les zones tendues et dans les villes où il y a beaucoup d'étudiants.
Pour Christophe Demerson, président l'UNPI, l'Union nationale des propriétaires individuels, l'État impose un calendrier intenable. « Le gouvernement a préféré la méthode du marteau. Le problème de toute façon, c'est qu'on n'a pas les matériaux et on n'a pas la main d'œuvre », explique Christophe Demerson. « Nous, on insistait déjà sur les matériaux avant la guerre en Ukraine, puisqu'on voyait déjà avant la fin du Covid en Chine les gros problèmes d'approvisionnement sur les chantiers, et puis à côté de ça, on a aussi aujourd'hui un problème de main d'œuvre. » Il poursuit : « Il faut bien se rendre compte que là, on parle du chantier du siècle puisqu'il faut qu'on rénove plus de la moitié des appartements et des maisons de la France. Dans tous les cas, on sait qu'on ne pourra pas tenir ce calendrier. »
Au total, plus de 7 millions de logements seraient ainsi exclus du marché locatif dans un peu plus de dix ans. Seuls les propriétaires occupants d'un logement énergivore et les locations à vocation touristique échappent à ces nouveaux DPE.