Madagascar: quel avenir pour les personnes atteintes de la lèpre? [1/3]
La Fondation Raoul Follereau, présente à Madagascar depuis 1987 pour dépister et soigner les malades, soutient une trentaine de léproseries à travers le pays. Parmi elles, le dispensaire d’Ampasy, dans le sud-est de l’île, créé en 1936 par les Filles de la Charité. Un véritable petit village qui dispose d’une école, d’un centre de soin, d’une léproserie et de maisonnettes pour les malades en traitement et leur famille. Un lieu où l’avenir des malades, leur réinsertion en société, est tout aussi important que leur guérison.
De notre envoyée spéciale à Ampasy,
Cours de mathématiques dans cette classe de 3e année de primaire, à l’école Saint-Joseph. « Posez puis effectuez les opérations. Lisons tous ensemble », ordonne le professeur. Les élèves s’exécutent. Au fond de la salle, Juliano, 11 ans, est un petit miraculé. Quand son grand-père l’a déposé ici, il y a 3 ans, il était mourant. « Mon corps était couvert de nodules et les sœurs m’ont soigné. J’ai fait une rechute puis j’ai fini par guérir et j’ai été autorisé à intégrer l’école des sœurs. Maintenant, j’habite ici. Plus tard, moi, j’aimerais être médecin pour soigner les gens », explique le jeune garçon.
Si aujourd’hui l’établissement, tenu par les Filles de la Charité, accueille des enfants des villages alentours, à l’origine, il a été construit pour les enfants des malades (dont le traitement – de 6 mois à parfois 2 ans – leur imposait de rester au centre), mais aussi, pour les petits malades eux-mêmes.
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« Ils ont le droit d’étudier comme les autres, même s’ils sont malades, même s’ils ont la lèpre. Ils ont déjà pris les médicaments, ils ne sont plus contagieux », souligne sœur Mathilde, la directrice. Et le brillant parcours de certains d’entre eux rend l’enseignante extrêmement fière. « Aujourd’hui, quelques-uns de nos anciens élèves sont à l’université. C’est une fierté de leur permettre d’avoir un avenir comme tout le monde. »
Tournés vers l'avenir des malades
C’est le cas de Maurice que nous rencontrons au dispensaire. Il accueille une jeune mère venue avec son bébé qui présente de la fièvre et de la toux. « A-t-il fait ses vaccins ? », questionne le jeune homme de 26 ans. « Non, nous n’avons pas de centre de vaccination proche de chez nous », répond la maman. Sous l’œil du médecin, Maurice poursuit la consultation. L’élève infirmier passe tout son temps libre ici. Car le centre, c’est sa maison. Maurice est un ancien lépreux. Abandonné chez les sœurs, il a fait toute sa scolarité chez elles. « Elles m’ont soigné pendant 1 an. À 13 ans, j’ai pu enfin intégrer le CP. À la fin du lycée, les sœurs m’ont demandé si j’avais envie de continuer mes études. J’ai dit “bien sûr ! Je veux étudier !” ». Maurice est désormais en deuxième année d’école d’infirmier. Les sœurs ont convaincu la Fondation Raoul Follereau de financer les coûteuses études du jeune homme.
« Si on regarde cette malade, ma sœur, elle a encore 4 mois de traitement », commente le Docteur Bertrand Cauchoix. À la léproserie, une centaine de mètres plus loin, la très dévouée sœur Johany et le médecin auscultent une adolescente atteinte de la lèpre et son bébé. Sœur Johany est la responsable du centre ; lui, le représentant national de la fondation à Madagascar, grand spécialiste de la lèpre. Pour chaque patient en fin de traitement, la question de leur avenir est systématiquement abordée lors de la consultation. « On doit discuter avec elle, sur ce qu’elle souhaite faire pour gagner sa vie », explique sœur Johany.
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La réussite sous le prisme de la réinsertion sociale
Le docteur Bertrand Cauchoix vérifie si elle ne bénéficie pas déjà d'une bourse ou d'une aide du centre, et demande à la jeune maman ce qu'elle désire faire comme travail pour gagner sa vie. La patiente souhaite avoir un petit commerce pour « vendre des petites choses ». Le docteur Cauchoix veut s'assurer qu'elle sache compter, tenir une caisse, faire la différence entre un bénéfice et un chiffre d'affaires et demande jusqu'à quelle classe elle a étudié. Elle dit qu’elle s’est arrêtée au CP, mais qu’elle sait compter l’argent. « Il faut étudier. Si on pense qu’avec une petite gargote dans son village, elle peut subsister, avec son enfant... Au contraire, c’est mieux que cette jeune fille rentre dans son village… », estime Bertrand Cauchoix.
Puis il ajoute : « Ici, à la Fondation, on a une petite caisse pour la réinsertion sociale. Donc, ok, on va essayer de monter un dossier pour l’aider. D’un point de vue thérapeutique, on l’a traitée. Mais nous, la réussite, ce n'est pas de la traiter, c’est qu’elle puisse rentrer chez elle et puisse avoir une vie normale. »
En 2022, la Fondation Raoul Follereau a financé une trentaine de bourses scolaires et universitaires et a permis à une quarantaine de malades de lancer leur petite activité.