«Charlie» et l’Iran, l’offense sans Dieu
Huit ans après l’attentat dont a été victime Charlie Hebdo, le journal satirique publie des caricatures sur le régime iranien en pleine répression des manifestations dans le pays.
Ce n’est certainement pas une coïncidence si ce régime iranien, honni d’une grande partie de sa jeunesse, trouve dans Charlie Hebdo un artifice utile pour avoir le soutien de sa base conservatrice. Car pour une grande partie du monde musulman, l’hebdomadaire satirique n’est pas un martyr de la liberté d’expression. C’est d’abord et avant tout un média synonyme d’offense à l’islam et qui symbolise par ses caricatures tout ce que l’Occident peut faire de pire. Sauf qu’en l’espèce, même aux yeux de ses détracteurs, Charlie Hebdo n’est pas le journal qui s’en est pris à la figure du prophète, comme cela lui avait été reproché par les islamistes en 2006, lors de la publication des douze caricatures de Mahomet tirées du journal danois Jyllands-Posten.
Non, en 2023, près de 17 ans après les premiers dessins, 12 ans après la publication d’un numéro Charia Hebdo et huit ans jour pour jour après la tuerie des frères Kouachi, c’est le journal qui vient de publier une dizaine de caricatures ayant brocardé un personnage dont la sainteté reste à démontrer – oserons-nous dire –, l’ayatollah Ali Khamenei. Donc, sauf à considérer que le guide suprême de la République islamique équivaut, par son rang et sa puissance, au prophète lui-même, il ne saurait être ici question de blasphème.
Liberté de créer, de caricaturer et de penser
En réagissant à ces caricatures par la fermeture arbitraire de l’Institut français de recherche en Iran, Téhéran cherche pourtant à ranimer la flamme du jihad contre l’Occident mécréant et blasphémateur. Ce faisant, il manque sa cible. D’abord parce que c’est bien mal connaître la presse satirique que de croire que ce lieu de recherche qui dépend du ministère des Affaires étrangères français a un lien quelconque avec un journal indépendant et volontiers moqueur contre son gouvernement. Ensuite et encore, parce qu’il n’est pas ici question de blasphème, mais seulement de liberté de créer, de caricaturer, de penser. 300 dessins ont été envoyés pour proposer la caricature « la plus drôle et méchante d’Ali Khamenei », comme demandé par Charlie, et parmi eux, pas mal d’œuvres d’exilés iraniens.
Au fond, la boucle est bouclée, pour ceux qui se demandaient encore ce qu’était une théocratie, la réponse est là : ce n’est pas seulement le régime d’un représentant de Dieu, c’est aussi le gouvernement d’hommes religieux qui cherchent à se protéger eux-mêmes contre la critique par la censure.
Pour cela, tous les moyens sont bons : la prison ou l’exécution pour les opposants et l’intimidation pour la presse étrangère, comme Charlie Hebdo qui a encore pu le mesurer cette semaine en constatant que son site avait été piraté.
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